Dans son livre «Le temps de l’urgence», le philosophe français Christophe Bouton[1] constate que notre époque est marquée par «l’idéologie de l’urgence». Celle-ci a contaminé tous les domaines de la société. Il faut produire et consommer sans cesse dans un temps qui n’a plus rien à voir avec «le temps naturel, fait d’interruptions et d’alternances».
Cette obsession de l’urgence déracine le passé (l’individu n’a plus le temps de revenir sur ce qu’il a fait), répond-il à l’Express, dérobe le présent (on est toujours dans le «coup d’après»), et atrophie l’avenir en empêchant toute projection dans le futur, toute réflexion sur les voies possibles de l’évolution. Dans l’urgence, l’individu ne fait que réagir à une menace ou à une injonction. Une dimension essentielle de sa liberté lui est ainsi retirée: la faculté de prendre l’initiative. Ces conséquences négatives se retrouvent à l'échelle de la société.
L’urgence nuit donc, également, à l’exercice de la démocratie[2]. Les citoyens, soumis à la norme de l’immédiateté, n’ont plus la disponibilité psychique pour réfléchir à la chose publique, qu’ils laissent aux politiques, eux-mêmes débordés et piégés par le court-termisme ! Dans la Grèce antique, la skholè – le temps du loisir – était la condition nécessaire à la démocratie : les citoyens prenaient le temps de penser pour pouvoir ensuite délibérer.
Cette nécessaire liberté de réfléchir, que défend le philosophe français, rappelle la démocratie des Cosaques ukrainiens (XVI-XVIII siècles), qui élisaient leurs chefs militaires, lors d’assemblées (« Rada »), de façon directe et publique.
Le proverbe arien « Le bien est tout ce qui se fait de ta propre volonté », que leur transmirent leurs ancêtres trypilliens (3), garantissait liberté, bonheur et création. Le terme ukrainien « школа » (« chkola » - école), de « SO-kola », (« СО-кола»), et « KOL» («КОЛ-ективне», «КОЛ-о) signifie à la fois quelque chose de « solaire », et de « collectif ». L’enseignement de ces gens « lumineux » et nourris de hautes valeurs morales, s’opérait mutuellement (on échangeait connaissances et compétences), se déroulait généralement dans la nature, de manière ludique, et était souvent ponctué de chants spontanés.
Pour contrer la « dictature de la vitesse », et l’aliénation qu’elle provoque, Christophe Bouton invite à :
Pour contrer la «dictature de la vitesse», Christophe Bouton invite à :
- retrouver le temps de la réflexion et de l'esprit critique (s’interroger: « Qui m’impose cette urgence ?», « A quoi obéit-elle ?», « Dois-je y répondre ?»),
- rendre à nouveau possible un libre usage du temps, pendant le travail et en dehors,
- restaurer le politique.
Christophe Bouton pose ainsi les vrais problèmes, et ses propositions de les résoudre enrichissent le débat. Mais si nombre d’individus sont mûrs pour un mieux-être, les collectivités peinent à mûrir. Les embrasements, souvent manipulés, de tous contre tous dans le monde montrent l’insuffisance des philosophies, idéologies, religions, économies … mises à l’honneur ces derniers siècles.
Pour s’abstraire de la servitude, se créée la jeune pousse («startup») «État Libre Ukrainien». Jeune pousse initiée par des hommes et femmes libres, qui prennent le temps de la réflexion et du travail sur soi (dans les trois dimensions- spirituelle, psychique et physique). Resplendissants de santé et heureux, ils maîtrisent leur création naissante.
[1] Christophe Bouton, « Le Temps de l'urgence », éd. Le Bord de l'eau.
[2] « L'urgence nuit à la démocratie », L’Express, 19.01.2016.
[3] Trypillia : la riche civilisation trypillienne apparut vers 5000 ans avant Jésus-Christ aux environs de l’actuelle capitale ukrainienne Kyīw (ndt).
Zirka Witochynska [email protected]
Pour aller plus loin :
Société post-industrielle ou Quel Etat nous construisons
Société postindustrielle et ses ennemis
Religion postindustrielle de la connaissance
Règles de l'automatisation et intelligence artificielle
Système de santé postindustrielle
Réponse d’un philosophe français aux trans-humanistes sur une humanité élargie
Au-delà de l’idéologie de l’urgence, c’est la question fondamentale de la liberté de l’homme et de la société qui est ici posée.
Commentaires
Прекрасна глибока стаття, Зірко! Дуже актуальна. Вітаю!
Якщо ти не проти, я її перекладу.
Світлана
Радію, Світлано, і дякую! Зі задоволенням!
Творимо разом Вільну Українську Державу Гартленд !