Portrait de Зірка Вітошинська
Зірка Вітошинська
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« Cinq zinnias pour mon inconnu »

Dans le roman* de Marie-France Clerc, cette « fiction où tout est vrai », Natalie, détective malgré elle dès son jeune âge, s’intéresse à ses origines, au « destin inconnu » de ses ancêtres, aux conditions dans lesquelles ses grands-parents cosaques ukrainiens furent contraints de fuir le coup d’Etat bolchévique et l’occupation russe avant de s’établir en France.

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Marie-France Clerc, « Cinq zinnias pour mon inconnu »
Marie-France Clerc, « Cinq zinnias pour mon inconnu »

Ses proches lui auront caché ce passé malheureux pour la « protéger ». Mais la bulle n’est pas étanche : broderies, nattes, histoires, chants transmis par ses grands-parents, regards intenses, mains serrées en silence, réunions de familles sont autant d’éléments et de phénomènes  mystiques qui font « vibrer certaines fibres de son être ». Natalie s’est mise à porter la chevalière de son grand-père gravée de l’emblème millénaire ukrainien.

Grand-mère à son tour, Natalie est enfin disponible pour étudier le destin de ses aїeux. Sont alors examinés des mémoires intimes, mis au jour des indices surprenants, des objets révélateurs, des photos, et, avec le concourt  lointain de la perspicace amie Ludmila, dépouillées certaines archives ukrainiennes, découvertes des confessions éloquemment glaciales…

Les recherches s’opèrent depuis une villa provençale où Natalie reçoit ses petits-enfants, Léo et Lucie, treize et sept ans. Par leurs questions et remarques d’une sensibilité éclairante, ils servent d’aiguillons à l’enquête.

Natalie leur ayant relaté un épisode émouvant relatif à sa grand-mère, Léo témoigne d’une clairvoyance apparemment étonnante : « Je comprends, Mamie, c’était de l’amour et de la tristesse mélangés ». L’adolescent français ne connaissait pas le poème ukrainien de Dmytro Pawlytchko « Dva kolory » (« Deux coloris »), dont est tirée l’expression qu’il vient de citer : ce « ressenti » de l’enfant révèle une intuition inexplicable. En fait, une réalité bien familière des Ukrainiens, leur conscience de la réincarnation. Autre passage mystique, dont le livre est imprégné, la répétition de l’épisode « moutarde » : le rire de Konstantin, voyant sa sœur Xénia s’étouffer après avoir ingurgité une cuilleurée de moutarde, et, trente ans plus tard, même scène avec la toute jeune Natalie et son grand-père Zinovij…  

Tout au long du récit, se dessine progressivement le tableau métonymique d’une lignée qui reflète celui de la nation tout entière : quelle famille du nord, de l’est, du sud, de l’ouest ou du centre de l’Ukraine n’a eu un proche victime de chantage, provocation, répression, expropriation, spoliation, terreur, déportation, travaux forcés, famine artificielle, goulag ou autre « bienfait » de la part du « frère » russe, quel que soit son régime ? Le lecteur comprend alors mieux l’impérieuse nécessité du « Maїdan ».   

Coup de théâtre final : au terme de cette enquête accomplie avec succès, Natalie réalise, stupéfaite, qu’elle est désormais le dernier membre de la famille à pouvoir témoigner de l’assassinat de son grand-oncle Konstantin par le régime soviétique. Quant à la « pièce à conviction », et la manière dont elle a été retrouvée, elles relèvent, elles aussi, du miracle.

La riche écriture de Marie-France Clerc, tour à tour descriptive et analytique, émouvante et réaliste, pédagogique et poétique, humoristique et vive, nous tient résolument en alerte.  

Si le puissant sujet du livre où « tout est vrai » semble avantageux, ficeler cette intrigue pluridimensionnelle était un exercice périlleux. Pourtant, orchestrer évènements, confessions, portraits, égrener indices, rêves et preuves tiennent de la maestria : dommage pour les éditions ayant refusé le manuscrit pourtant « commandé ».

Malgré les épisodes historiques noirs, ce texte est empli d’optimisme**, si communément partagé par les Ukrainiens. En leur for intérieur, ils sont en effet assurés qu’en « traversant » la mort (qui n’est qu’un « passage »), ils renaîtront dans leurs familles, pour peu qu’ils accomplissent, « ici-bas », des actions vertueuses, et qu’ils laissent des souvenirs bienveillants chez leur entourage. Aussi, Natalie, apprenant que son « inconnu » est parti si magnanimement, lui offre-t-elle précisément des « zinnias », ces fleurs splendides qui évoquent les absents…


* « Cinq zinnias pour mon inconnu », Marie-France Clerc, https://mariefranceclerc.com, mars 2016.

** Optimisme évoqué de manière poignante dans le « Contra spem spero » de Lessia Oukraїnka (XIX° s.)

Українською мовою: Чому цей французький роман може цікавити й майбутніх ельфів?

Zirka Witochynska [email protected]

Наші інтереси: 

Une histoire véritablement originale, et aussi poignante qu’actuelle, puisqu’elle  parle de l’Ukraine sous les feux renouvelés du Kremlin...

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